La médecine narrative est une approche des soins de santé centrée sur le patient, qui se développe dans les pays anglophones, en particulier dans le nord de l’Amérique, à partir des années 1990. Son objectif est de (re)mettre le récit du patient et son écoute attentive au cœur de l’acte médical et d’établir une relation de qualité, marquée par l’empathie, entre le soignant et le soigné. Rita Charon, dans l’ouvrage Narrative Medicine. Honoring the Stories of Illness (2006), formalise les principes de la médecine narrative et la décrit comme « une médecine exercée avec une compétence narrative permettant de reconnaître, d’absorber, d’interpréter les histoires de maladie, et d’être ému par elles » (Charon, 2006, p. 13). Son hypothèse est que « tout ce qui manque à la médecine aujourd’hui – en humilité, en responsabilité, en empathie, en individualisation – peut être apporté, en partie, par un entraînement narratif intensif » (ibid., p. 15). Charon mobilise des outils d’analyse littéraire dans le contexte de la relation soignant/soigné : la prise en considération du cadre dans lequel la narration a lieu, l’intrigue, les métaphores employées, mais aussi le désir du narrateur, le sens qu’il veut donner à son récit… sont autant d’éléments qui permettent d’accueillir un récit, qu’il s’agisse de celui d’auteur d’un roman ou de celui d’un patient.
Charon propose une triade pratique – attention, représentation et affiliation – pour décrire la relation qui s’instaure entre soignant et soigné, une relation dans laquelle le soignant qui reçoit le récit d’un patient – comme le lecteur d’un texte – joue un rôle actif : qu’il s’agisse de la lecture d’un roman ou de l’écoute d’un patient, narrateur et récepteur participent activement à la création de l’échange ; le récit d’un écrivain ou d’un patient est élaboré par chaque lecteur ou auditeur de façon différente, dans « des procédés réciproques et collaboratifs »