Réflexions

L’homme qui a « mangé son pain à la fumée du rôti » a payé le rôtisseur « au son de son argent »

Un pauvre porte-faix s’était installé pour manger son pain, au pied de la broche où un commerçant faisait cuire ses rôtis, profitant de la bonne odeur pendant son maigre repas sans saveur. Le rôtisseur le laisse faire, puis exige de lui paiement pour avoir profité du fumet de ses rôtis. Le porte-faix, bien sûr, argue que le rôti n’a pas été cuit pour lui, que le fumet s’en échappait de toute façon. Le marchand crie qu’il n’est pas là pour offrir gratuitement le fumet de ses viandes à tous les pauvres hères de passage. La dispute s’envenime, et on demande son arbitrage au fou. Le fou exige alors du porte-faix une pièce de monnaie, qu’il fait tinter plusieurs fois de suite puis rend à son propriétaire : l’homme qui a « mangé son pain à la fumée du rôti » a payé le rôtisseur « au son de son argent », déclare-t-il alors pour clore la controverse – à la grande satisfaction des témoins.

Rabelais, Tiers-Livre